Le collectif 07 STOP AU GAZ DE SCHISTE affirme son refus de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère et autres hydrocarbures dits non-conventionnels (gaz et pétrole de schiste, huiles lourdes, gaz de réservoir compact, gaz de couche, sables bitumineux ...) et de tous hydrocarbures dont l’extraction nécessite l’utilisation de techniques, quel que soit leur nom, nécessitant de fracturer, stimuler, acidifier ou encore de fissurer la roche et ayant pour conséquence de porter atteinte à son intégrité. Il s’oppose à l’aberration économique, sanitaire, environnementale et climatique aux conséquences désastreuses que constituent ces projets pour les départements impactés. Il promeut une transition énergétique, écologique et solidaire.

Après 7 années de lutte, du rassemblement de Villeneuve de Berg 2011 au rassemblement de Barjac en 2016 jusqu’à la loi Hulot 2017, sont enfin abrogés, annulés ou rejetés tous les permis de recherche de l’Ardèche, du Gard, de la Drôme, de l’Isère, de Savoie, du Vaucluse, du Var, des Bouches du Rhône, de l’hérault. Toutefois, AILLEURS, d’autres sont encore valides et la lutte continue : En savoir plus

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Réponse du Collectif 07 à la lettre de L’Amicale des Foreurs

dimanche 5 août 2012

L’Amicale des Foreurs répond au Collectif 07 : suite au courrier ci-dessous de la commission scientifique du Collectif 07.
Télécharger la réponse du 7/07/12 de l’Amicale des Foreurs (pdf de 136 ko)
Le site de l’Amicale des Foreurs

 

Objet : Réponse à la lettre de L’Amicale des Foreurs.
Largentière, le 27 juin 2012

Monsieur le Président de la République,
Ce ne sont pas des citoyens « plus soucieux de sensationnel que d’exactitude technique » comme le prétend dans leur lettre du 3 juin l’Amicale des Foreurs (AF), qui s’adressent à vous mais de vos concitoyens normaux participant à la vie démocratique du pays, soucieux de leur environnement et voulant transmettre une planète vivable à leurs enfants. Nous veillons avec scrupule à la véracité de nos assertions ce qui n’est pas le cas de ceux qui s’auto qualifient de « personnes compétentes ».

Les affirmations ou exemples contenus dans la lettre de ce groupe de lobbying pour l’exploitation des hydrocarbures non conventionnel (HCN) ne reposent pas sur des études de cas réels mais sur des interprétations d’école soit des erreurs pour ne pas dire des contre-vérités. S’appuyer sur un forage réalisé dans le 13ème arrondissement de Paris pour démontrer l’absence de nuisance lors de la réalisation d’un ouvrage pétrolier et de son exploitation est spectaculaire, mais omettre de préciser qu’il s’agit d’un ouvrage d’eau est difficile à expliquer. Profond de 677,67 mètres, ce forage d’eau a été réalisé classiquement à la verticale sans déviation horizontale ni fracturation hydraulique (FH), il capte la nappe aquifère profonde de l’Albien vers 600m et fait partie du dispositif ultime d’accès des parisiens à l’eau potable en cas de catastrophe majeure (attaque ou accident nucléaire, etc…). Ce forage d’eau ne saurait donc en aucun cas être la preuve qu’un forage exploitant gaz ou pétrole non conventionnel, peut être réalisé et exploité sans produire de nuisance. Nous pouvons vous affirmer pour avoir eu à en connaître, que ce forage, non soumis à la FH, a été conçu et réalisé par des entreprises, des géologues et des foreurs spécialistes du captage d’eau avec le souci de réduire au maximum toute pollution. Le tubage et la cimentation de l’ouvrage ont d’ailleurs été sous-traités par COFOR à la société Johnson France pour garantir la meilleure exécution possible de ce puits. Nous pouvons vous affirmer, par expérience personnelle, que ce chantier a perturbé pendant plusieurs mois la vie des habitants de la Butte aux Cailles où ce puits se situe, place (et non square) Verlaine.

L’assertion que le gaz contenu dans l’eau du robinet que l’on voit s’enflammer dans le film « Gasland », est du gaz biogénique peu profond différent du gaz de schiste thermogénique est une affirmation ne reposant sur aucune étude. Des chercheurs de la Duke University de Durham aux USA ont travaillé sur « la contamination des eaux de boisson par le méthane accompagnant les forages d’exploitation de gaz et la FH » ; les résultats de leurs travaux publiés en avril 2011 dans la revue PNAS de l’Académie nationale des Sciences des Etats-Unis d’Amérique relèvent qu’en zone d’exploitation intensive, « les concentrations moyennes et maximales de méthane dans les puits d’eau potable augmentent avec la proximité au puits de production de gaz (environ 20 fois plus) créant ainsi un risque potentiel d’explosion ». Enfin, la signature isotopique du méthane retrouvé dans les puits d’eau atteste de l’origine thermogénique plus profonde du méthane libéré, telle que celle observée dans les schistes des champs de Marcellus et Utica.
Ces points illustrent le fait que l’information objective du lecteur ne semble pas la préoccupation première des rédacteurs de cette lettre dans laquelle la sémantique se substitue habilement aux arguments techniques. Ceci n’est en rien surprenant pour une association, cheval de Troie des pétroliers, dont les intérêts interdisent toute indépendance de jugement.

De l’étude précédente, il ressort que la nappe phréatique, ressource en eau la plus proche de la surface est menacée par l’exploitation des gaz de schiste. Soulignons que les nappes aquifères profondes présentes sous la nappe phréatique superficielle, peuvent être très nombreuses. On en dénombre, par exemple, une vingtaine dans le bassin parisien dont celle de l’Albien située à 600 m sous Paris, qui renferme une eau d’excellente qualité pour la boisson. Ce patrimoine quasiment non renouvelable vu les temps de réalimentation, est une richesse que nous avons obligation de transmettre dans le meilleur état possible aux générations futures.

En plus de contrevérités techniques, des éléments de langage sont mis en place, la fracturation des roches-mères préalable indispensable à l’exploitation des HNC est renommée « stimulation hydraulique » et viserait à créer une « micro-perméabilité » alors que l’objectif de cette technique est de détruire l’imperméabilité de la roche-mère pour obtenir la plus forte perméabilité possible, opération qui sera d’ailleurs renouvelée dés que la productivité du puits baissera. Cette substitution du terme définissant la technique mise en œuvre, la fracturation, par la désignation de l’objectif recherché, la stimulation, ne change rien à la réalité mais vise par contre à semer le trouble par rapport à la loi interdisant la mise en œuvre de cette technique. La traduction du terme américain « fracking » par « stimulation » semble audacieuse.
Prétendre que la fracturation « bien maîtrisée » des réservoirs conventionnels est une garantie de la bonne maîtrise de cette technique dans l’exploitation des HNC est un argument très discutable et non vérifié. Aux USA et au Canada, de nombreux états ont prononcé des moratoires dans l’exploitation des HNC devant les dégâts environnementaux et les atteintes à la qualité des eaux. La FH a été mise au point par les pétroliers pour améliorer les débits des réservoirs conventionnels en fin de vie. Ce type de gisement comprend un piège géologique isolé naturellement des terrains environnants par une couche imperméable. Ils sont, de plus, relativement bien connus puisqu’exploités depuis plusieurs dizaines d’années. Dans le cas des HNC ou gaz de schiste, le gisement et le processus d’exploitation sont différents. Il s’agit de créer une perméabilité artificielle en détruisant l’imperméabilité naturelle de la roche-mère par une fracturation libérant gaz ou pétrole jusqu’alors prisonniers de la roche. C’est l’imperméable, la roche mère elle-même, qui est fracturé et sur toute son étendue soit sur des milliers de km2 avec un forage de fracturation/exploitation1 tous les 2 ou 3 km2. Les gaz et pétrole de schiste ne possèdent donc plus de couche imperméable protectrice. Le danger est là car gaz et pétrole libérés par la fracturation ainsi que le fluide de fracturation, sont libres de cheminer dans les terrains et de polluer les couches environnantes. La FH est un préalable indispensable à la connaissance de tout gisement d’HNC et à son exploitation, cette technique modifie, à l’aveugle, les caractéristiques naturelles des roches des formations concernées. En zone naturellement tectonisée comme dans le sillon rhodanien, le Jura, la plaine d’Alsace, elle entraîne la réouverture de failles existantes sur des longueurs non maîtrisées mais pouvant atteindre 500 mètres et plus à chaque fracturation et dans les cas extrême atteindre la surface, car ce sont les parties les plus faibles des terrains qui cassent les premières. Dans ce cas, l’extension de la fracturation artificielle engendrée par la FH est non maîtrisée.

Chaque fracturation demande en moyenne 20 millions de litres d’eau soit même en reprenant le ratio optimiste de seulement 1% de produits chimique, cela représente au minimum 200 milles litres de molécules diverses injectés dans le sol ! Les composés aromatiques utilisés couramment comme solvant dans le fluide de fracturation présentent des radicaux libres et sont extrêmement réactifs et toxiques pour l’homme, cancérigènes voire mutagènes.
Les pétroliers disposent de plus de 500 molécules pour composer, pour chaque cas, un fluide de fracturation capable de transporter du sable, d’éviter le gonflement des argiles, de dissoudre les éventuels dépôts (carbonatés, ferreux,…), d’empêcher les précipitations (fer, etc…), de stopper le développement de bactéries ou d’algues, d’inhiber la corrosion des tubages et pompes, d’empêcher que le fluide ne mousse, etc… .
Les foreurs américains y ajoutent une bonne dose de fuel, excellent solvant2. Le fluide de fracturation est en fait un véritable cocktail dont certains additifs toxiques sont retenus pour partie dans le sol. La consommation de sable est vertigineuse et le journal « Le Monde » daté du 29/05/2012, relève qu’aux USA, « on est passé de 6 millions de tonnes de sable consommée par l’industrie pétro-gazière américaine en 2007 à presque 29 millions en 2011 ». Ces prélèvements viendront s’ajouter à ceux des granulats nécessaires au bâtiment déjà cause de dégâts environnementaux sans omettre les effets du transport de ces millions de tonnes.

Prétendre que la consommation d’eau pour la FH est ponctuelle et non permanente est une présentation erronée par omission car, pour chaque forage, elle est répétitive. Il faut en effet, refaire une fracturation dès que la production du forage baisse, ce qui se produit entre 4 et 12 mois et redemande donc 20 millions de m3 d’eau supplémentaire. Enfin un « gisement » de HNC n’étant pas concentré, il couvre des dizaines de milliers de km2 et sa fracturation demande la réalisation de milliers de forages nouveaux et de remplacement d’ouvrages vieillissants ; la FH sur un champ d’exploitation de HNC, est permanente.

Affirmer qu’« une bonne partie de cette eau est récupérée et traitée » sans oser la chiffrer conduit à reconnaître que l’autre partie est perdue sans savoir où ni comment, ni essayer d’évaluer les volumes perdus qui seront donc non traités ; c’est reconnaître qu’on ne maîtrise pas ce qui se passe en profondeur et que les résultats d’une FH ne sont pas prévisibles, on agit et on observe le résultat. D’ailleurs les pertes sont parfois totales en zone faillées.

L’exploitation des HNC passe par la fracturation hydraulique. La FH est une technique d’exploitation sale, condamnable non seulement parce qu’elle met en œuvre des produits chimiques toxiques pour l’environnement et l’Homme mais dans son fondement même, par les fractures non contrôlées qu’elle déclenche.
Pour chaque emploi promis, il faut mettre en balance ceux qui seront par cette seule activité, détruits dans l’agriculture, l’élevage, le tourisme,...

L’Amicale des foreurs termine son plaidoyer en vous appelant à favoriser « la poursuite de forages de recherche » en omettant le terme de fracturation hydraulique alors qu’aujourd’hui aucune évaluation des ressources n’est possible sans la mise en œuvre de cette technique qui est la seule actuellement, prétendument « maîtrisée », pour exploiter les HNC (pétrole, huile ou gaz).
Il serait inacceptable que, par laxisme, on feigne de confondre recherche scientifique et prospection pétrolière. Les essais de différents fluides de fracturation, les tests pour déterminer si la formation géologique est assez stable pour permettre d’envisager la fracturation et l’exploitation avec des forages partiellement tubés (pour réduire les coûts), les essais de production, etc… ne peuvent être qualifiés de recherche scientifique au sens de la loi du 13 juillet 2011.
Il ne s’agit que d’actions de prospection classiques, visant à mettre au point les techniques et processus d’exploitation et déterminer la rentabilité d’une éventuelle exploitation aux conditions économiques du moment.

Les énergies fossiles arrivent en fin de course, et leur exploitation font appel à la sollicitation de ressources imposant la mise en œuvre de techniques d’exploitation de plus en plus consommatrices d’énergie et de plus en plus sales (HNC, gaz de schiste, sables bitumineux, gisement off-shore de plus en plus profond, hydrate de méthane ?, …) et au bilan net énergétique de moins en moins favorable. Du ratio, pour le pétrole, de 1 volume consommé pour 30 récupérés, dans les années 1930, le bilan des HNC serait, aujourd’hui, de 1/2 voir moins et leur process de production et leur consommation ont un effet de serre total supérieur au charbon vu les nombreuses pertes et fuites de méthane qui, rappelons-le, engendre un réchauffement de l’atmosphère 23 fois supérieur au gaz carbonique.

La lutte contre le déficit de notre balance commerciale doit être recherchée dans les énergies d’avenir, les énergies renouvelables, dont notre pays est largement pourvu pour placer celui-ci parmi les leaders dans ce domaine. Seule cette approche novatrice permettra à la France d’engager la transition énergique inéluctable en ayant en mains l’éventail complet des solutions possibles pour réussir la nouvelle orientation de sa politique énergétique .

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre très haute considération.

Largentière, le 27 juin 2012

Pour le Collectif 07 Stop au Gaz de Schiste
Jean-Claude PRAT Hydrogéologue et membre de la commission scientifique du Collectif 07

Lettre envoyée à :
François Hollande, Président de la République,
Arnaud Montebourg, Ministre Redressement productf,
Delphine Batho, Ministre de l’Ecologie
Président de l’Amicale des Foreurs
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