Le collectif 07 STOP AU GAZ DE SCHISTE affirme son refus de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère et autres hydrocarbures dits non-conventionnels (gaz et pétrole de schiste, huiles lourdes, gaz de réservoir compact, gaz de couche, sables bitumineux ...) et de tous hydrocarbures dont l’extraction nécessite l’utilisation de techniques, quel que soit leur nom, nécessitant de fracturer, stimuler, acidifier ou encore de fissurer la roche et ayant pour conséquence de porter atteinte à son intégrité. Il s’oppose à l’aberration économique, sanitaire, environnementale et climatique aux conséquences désastreuses que constituent ces projets pour les départements impactés. Il promeut une transition énergétique, écologique et solidaire.

Après 7 années de lutte, du rassemblement de Villeneuve de Berg 2011 au rassemblement de Barjac en 2016 jusqu’à la loi Hulot 2017, sont enfin abrogés, annulés ou rejetés tous les permis de recherche de l’Ardèche, du Gard, de la Drôme, de l’Isère, de Savoie, du Vaucluse, du Var, des Bouches du Rhône, de l’hérault. Toutefois, AILLEURS, d’autres sont encore valides et la lutte continue : En savoir plus

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Gaz conventionnel et gaz de schiste

dimanche 15 mars 2020

GAZ DE SCHISTE, ON EFFACE TOUT ET ON RECOMMENCE
SANS TENIR COMPTE DE L’AVENTURE VÉCUE DU GAZ NATUREL EN ALGÉRIE

Ceux qui sont pour l’option gaz de schiste n’ont aucune vision pour l’avenir du pays, qui pourtant, possède des potentialités énormes non exploitées. Ils sont parmi ces nostalgiques, partenaires pour l’exploitation immédiate du gaz de schiste, qui vient, pour eux, à point nommé pour remplacer le gaz traditionnel dont la production connaît prématurément un tarissement certain, particulièrement en Algérie.

Pourquoi ? Parce que notre pays a été le premier au monde à opter pour l’aventure du gaz, au moment où la technologie gaz n’existait pas et quand le gaz n’avait aucune valeur, à l’époque où une découverte d’un gisement de gaz n’était pas la bienvenue. On a fait croire « à nos décideurs de l’époque » que la richesse de l’Algérie était le gaz et non le pétrole. Le gaz, en Algérie, a été exploité, plutôt bradé, prématurément. Rebelote pour le gaz de schiste et pour quel résultat ?

Le tarissement du gaz conventionnel n’est pas à généraliser pour le reste du monde. Pour l’Iran par exemple, 2e réserve mondiale en gaz naturel après la Russie, le gaz c’est l’après-pétrole, car il est vendu, en ce moment même, en dessous de sa vraie valeur.

En effet, nous sommes en 2020, le gaz est vendu par Sonatrach à 2 dollars le million de Btu (source ex-PDG de SH, voir El Watan du 20/10/2019 : https://www.elwatan.com/edition/economie/nazim-zouioueche-expert-petrolier-ancien-pdg-de-sonatrach-la-promulgation-dune-loi-sur-les-hydrocarbures-est-prematuree-20-10-2019 ) équivalent à 11 dollars le bep (baril équivalent pétrole) alors que le pétrole se vend à 60 dollars le baril.

La calorie gaz est vendue 6 fois moins cher que la calorie pétrole, car elle est indexée sur le fioul, la partie la moins noble du pétrole.

N’est-ce pas une aberration pour une énergie moins polluante que le pétrole ? Dans les années 70’, j’ai croisé une délégation russe à Paris, en mission pour le même type de projet que je suivais : « Construction d’une usine de traitement de gaz ».

J’ai posé la question suivante au chef de la délégation : pourquoi vous vendez le gaz ? Il me répond : pour transformer le rouble en dollar. C’est logique, car tous les équipements faisant partie de leurs usines sont fabriqués en Russie. Encore mieux, le gaz, la Russie en a fait une arme politique redoutable. L’Europe en sait quelque chose et en est convaincue.

Quant à l’Algérie, on importe tout, on ne fabrique même pas un clou. En Algérie, le gaz est devenu contrairement à la Russie une soumission.

Le gaz est-il considéré comme une rente ? Il faut connaître son historique. On a vendu le gaz, « matière non renouvelable », pendant plus de 40 ans en dessous du prix de revient. L’Algérie a subventionné le prix du gaz des Européens.

Ce qu’il faut savoir, c’est que le prix de revient d’une calorie gaz est 5 à 7 fois la calorie pétrole selon que le gaz est transporté à l’état gazeux par gazoduc sur le continent, gazoduc traversant la Méditerranée ou liquide GNL pour réduire son volume 600 fois.

Le contrat Gaz El Paso a été signé 1969 quand le pétrole coûtait « moins de 3 dollars le baril », à l’époque où le gaz naturel n’avait pas de valeur (gaz fatal associé au pétrole brûlé aux torches partout dans le monde), à l’époque où la technologie gaz était inexistante pour les grandes capacités d’exploitation (10 milliards de m3/an, soit 30 millions de m3/jour. « D’ailleurs, la France a bien cédé les 100% de ses parts à SH qu’elle détenait sur Hassi R’Mel » un des plus grands gisements de gaz du monde… Pour nous pousser vers l’aventure gaz.

Pour le contrat El Paso, nos gisements, nos usines ont servi de laboratoires à l’échelle 1 pour développer des procédés, des technologies, des équipements, des matériaux, avec tous leurs défauts de jeunesse qui faisaient leur entrée pour la première fois au stade de l’expérimentation à l’échelle industrielle.Les arrêts d’exploitation étaient fréquents à cause des défauts de jeunesse des unités.

Pour redémarrer une unité GNL, il faut en moyenne 8 à 10 jours pour arriver à la température de design « - 165° C » pour rendre le gaz liquide. Pendant ce temps, toute la capacité gaz de l’unité est brûlée aux torches, car ce n’est pas encore du GNL, voire pollution atmosphérique et réchauffement climatique.

Les auto- consommations sur incidents pouvaient atteindre des valeurs 2 à 3 fois les volumes de GNL exportés. Les risques de la technologie de la liquéfaction du gaz sont relativement importants. C’est pourquoi les clients GNL n’ont jamais voulu être partenaires avec SH pour partager ce risque. Pour vendre une calorie gaz, en exportation normale, il faut produire quatre calories (réinjection dans les gisements, autoconsommation, torches, etc.).

De toute cette aventure gaz, payée à l’époque par le pétrole, l’Algérie n’en a tiré presque aucun profit ! Ce sont les pays consommateurs de gaz, fabricants d’équipements, prestataires de technologies qui ont tiré « prématurément » les avantages de cette énergie moins polluante.

Un constat se dégage : l’absence de capitalisation des expériences, des connaissances accumulées à prix fort dans la construction, dans l’exploitation des usines de gaz.

En dépit de son rôle de pionnier de l’industrie mondiale du gaz en général et du GNL en particulier, SH n’a pas su concrétiser un pôle d’expertise scientifique et technique pour développer les savoir-faire acquis dans tous les domaines.

Nous sommes dans l’énergie depuis 50 ans et nous sommes importateurs de tout dans le domaine, alors qu’on devrait être exportateurs. Faisons le bilan de 50 années d’exploitation des ressources des hydrocarbures : un consensus, on connaît le résultat.

Les ressources hydrocarbures ont été un facteur de régression économique, source d’enrichissement mafieux et parasitaire et creuset des inégalités sociales. Malgré les revenus pétroliers qui ont dépassé durant les vingt dernières années plus de 1000 milliards de dollars, aucune dynamique réelle de développement n’a été entreprise.

L’Algérie s’est appauvrie par ses hydrocarbures, même quand le prix du baril de pétrole dépassait la barre des 100 dollars.

A cette époque, puisqu’on avait beaucoup d’argent comme recette, toute l’industrie naissante algérienne a été démantelée et on importe tout ce que nous consommons. Il faut savoir qu’une richesse, « de surcroît rare et non renouvelable », exploitée, si elle n’est pas remplacée par une autre richesse, le pays s’appauvrit à chaque fois qu’un baril de pétrole, à chaque fois qu’un m3 de gaz est soutiré de son sous-sol. En effet, depuis 1999, aucun investissement productif hors hydrocarbures n’a été consenti.

On arrive à la confirmation suivante : quel que soit le prix du baril de pétrole, les hydrocarbures sont une malédiction pour l’Algérie au lieu d’être la locomotive du développement. En conséquence, l’agriculture est sinistrée, on a perdu le prix de l’effort, du travail, du mérite.

Le chômage des jeunes fait des ravages, même les diplômés sont privés de perspectives d’avenir. Du coup, ils deviennent des assistés, alors que c’est une richesse potentielle pour le pays.

Parce que les hydrocarbures conventionnels sont en déclin, du fait du gaspillage et le bradage du gaz décrit plus haut et sans tenir compte de l’expérience malheureuse vécue du gaz naturel ; des partenaires et la mauvaise gouvernance envisagent déjà l’exploitation du gaz de schiste parce que les Américains l’exploitent déjà. L’Amérique avait à faire un choix entre deux solutions pour résoudre son problème d’énergie.

1- Acheter le gaz de la Russie, et la voilà dépendante de Moscou pour son énergie, moteur du développement du pays.

2- Recourir au gaz de schiste, quel que soit le prix.

Le choix est vite fait pour la première puissance du monde. Du coup, elle a exploité le pétrole de schiste pour réduire l’influence de l’Arabie Saoudite et faire baisser les cours du pétrole.

Ce choix est provisoire, car le procédé de la fracturation hydraulique n’est pas du tout rentable économiquement et surtout met en danger les nappes phréatiques, en attendant de trouver d’autres procédés plus rentables.

Le gaz de schiste, c’est l’énergie des années 2050 tant que le gaz conventionnel est disponible à bas prix (pratiquement bradé). Alors, pourquoi cette frénésie, maintenant, de la part des plus grosses compagnies pétrolières pour le gaz de schiste algérien ? Le pouvoir en Algérie est faible, c’est le moment d’en profiter pour faire main basse sur les concessions pour les exploiter plus tard.

La rédaction de la nouvelle loi sur les hydrocarbures, confiée à des cabinets étrangers, permet dorénavant la cession des territoires. Les compagnies pétrolières vont s’installer en position dominante dans le secteur de la souveraineté nationale dont ils abuseront sûrement.

L’Algérie dépend à 98% des exportations des hydrocarbures au lieu d’aller vers les énergies renouvelables « pour la consommation exclusivement nationale » afin de réduire ainsi la consommation du gaz naturel, relancer les investissements hors hydrocarbures et l’aval pétrolier, développer un transport en commun efficace et digne de ce nom pour faire diminuer le nombre de voitures sur les routes et faire ainsi l’économie d’énergie.

Il faut un changement radical. La véritable richesse de l’Algérie, c’est l’immense nappe albienne du Sahara, véritable don du ciel au milieu du désert qu’il faut absolument protéger. C’est l’or blanc, pour en faire le moteur de développement de plusieurs régions du Sud algérien jusqu’à présent déshéritées.

Article de Abdou Benachenhou et liens sur El Watan.com

Abdou Benachenhou est expert, retraité, ancien chef de projet "Usine de traitement de gaz"